Les translations de Wegener.

 

               Dans la préface de son ouvrage, Wegener insiste sur la nécessité de développer une vision globale de la planète, incluant l'ensemble des sciences de la Terre. Cette approche généraliste, qui va l'amener à aller puiser des arguments dans de multiples disciplines, très éloignées de sa spécialité, n'est pas courante à son époque (ni forcément à la nôtre!). Elle est remarquable et constitue un des aspects les plus novateurs de sa démarche. Il écrit :

                « Pour dévoiler les états antérieurs du globe, toutes les sciences s'occupant des problèmes de la terre doivent être mises à contribution et ce n'est que par la réunion de tous les indices fournis par elles que l'on peut obtenir la vérité ; mais cette idée ne paraît toujours pas être suffisamment répandue parmi les chercheurs. […] Ce qui est certain, c'est qu'à une époque donnée la terre ne peut avoir eu qu'une seule face sur laquelle elle ne nous fournit pas de renseignements directs. Nous sommes devant la terre comme un juge devant un accusé refusant toute réponse, et nous avons la tâche de découvrir la vérité à l'aide de présomptions. Toutes les preuves que nous pouvons fournir présentent le caractère trompeur des présomptions. Quel accueil réserverions-nous au juge qui arriverait à sa conclusion en utilisant seulement une partie des indices à sa disposition ? Ce n'est qu'en réunissant les données de toutes les sciences qui se rapportent à l'étude du globe que nous pourrons espérer obtenir la « vérité », c'est-à-dire l'image qui systématise de la meilleure façon la totalité des faits connus et qui peut, par conséquent, prétendre être la plus probable. Et, même dans ce cas, nous devons nous attendre à ce qu'elle soit modifiée, à tout moment, par toute nouvelle découverte, quelle que soit la science qui l'ait permise »(Alfred Wegener, La genèse des continents et des océans, Préface , 1928 ; réédition, Paris, C. Bourgois, 1990, p.XIII-XIV).

 

               « Mais où donc est la vérité ? La terre ne peut avoir eu, à un moment, qu'une seule face. Y avait-il à l'époque des ponts, ou bien les continents étaient-ils séparés comme de nos jours par de larges océans ? Il est impossible d'écarter la nécessité de l'existence des anciennes jonctions terrestres, si nous ne voulons pas renoncer complètement à comprendre le développement de la vie sur le globe, et il est également impossible de se dérober aux arguments contraires à l'existence des continents intermédiaires émis par les partisans de la loi de la permanence. Il n'y a évidemment qu'une issue : Les hypothèses admises comme évidentes doivent être viciées par des erreurs cachées » (Alfred Wegener, La genèse des continents et des océans , op. cit., p.16-17).

 

               « Si nous prenons comme base la théorie des translations, nous répondons à toutes les exigences justifiées, tant à celles de la loi des anciennes liaisons continentales qu'à celles de la permanence. Nous n'avons qu'à énoncer ces lois comme il suit : Ponts continentaux ? Oui, non pas grâce à des continents intermédiaires affaissés, mais à des socles continentaux jadis contigus. Permanence ? Oui, pas de chaque continent ou océan pris individuellement, mais permanence de la surface océanique totale et de la surface continentale totales prises en bloc » (Alfred Wegener, La genèse des continents et des océans , 1928 ; réédition, Paris, C. Bourgois, 1990, p.21)