Orrorin  tugenensis

«  En Janvier 2001, une équipe de chercheurs présente des fragments fossiles d’individus (dents, fragments de mandibule, os des membres inférieurs et supérieurs) ayant vécu il y a 6 millions d’années dans les collines Tugen du Centre Ouest du Kenya ; la taille est estimé à un peu plus de 1 mètre pour une quarantaine de kilogrammes. Ces homininés diffèrent suffisamment des Australopithèques et des Ardipithèques pour qu’ils soient rassemblés dans une nouvelle espèce (Orrorin tugenensis).Ses fémurs sont clairement ceux d’un bipède, et ont un aspect nettement humain. Les morphologies d’un humérus et d’une phalange de la main montrent qu’il était aussi adapté à la locomotion arboricole. Les molaires d’Orrorin sont, comme celles des Chimpanzés actuels et celles des Homo, beaucoup plus petites que celles des Australopithèques. Cette petite taille serait-elle un caractère ancestral, les grandes molaires des Australopithèques résultant d’une spécialisation tardive ? Si oui, alors la petite taille des molaires de Homo résulte de la conservation de ce caractère ancestral, et Homo n’est pas issu de la lignée des Australopithèques. Ce raisonnement a conduit Brigitte Senut et ses collègues à dessiner un arbre phylogénique où Orrorin est un ancêtre direct d’Homo, le genre Australopithecus divergeant plus tôt, vers 7,5 millions d’années. »

Ron J. Clarke, « Nos ancêtres, singes ou hommes ? », La Recherche, n°345, septembre 2001.

Sahelanthropus  tchadensis (Toumaï)

« Découvert au Tchad, ce crâne fossile est vieux de six ou sept millions d'années. Mais est-ce du plus vieil ancêtre de l'homme ou d'une femelle gorille ?

Ses découvreurs l'ont surnommé "Toumaï" - "espoir de vie" dans la langue du désert du Djourab, au Tchad. Vieux de six à sept millions d'années, ce crâne fossile a été arraché aux sables en juillet 2001, par l'équipe franco-tchadienne de Michel Brunet, professeur à l'université de Poitiers. Il vient de faire une entrée fracassante et très médiatique dans la galerie des ancêtres putatifs de I'humanité (1). Toumaï, Sahelanthropus tchadensis de son nom scientifique, revendique le titre de plus ancien hominidé connu. Il détrônerait ainsi "l'ancêtre du millénaire", Orrorin tugenensis, mis au jour fin 2000 dans le nord-ouest du Kenya par le groupe de Brigitte Senut et Martin Pickford (Museum national d'histoire naturelle et CoIlège de France). Bien qu'il n'ait pu être daté de manière absolue, en l'absence de cendres volcaniques permettant les mesures d'éléments radioactifs, l'étude des faunes environnantes suggère qu'il pourrait être antérieur à Orrorin. De plus, le site de la découverte semble remettre en question le scénario de l'East Side Story, avancé par le Français Yves Coppens, selon lequel notre lignée serait apparue à l'est du continent, quelque part entre l'Ethiopie, le Kenya et la Tanzanie. Toumaï surgit à 2 500 kilomètres à l'ouest de la vallée du rift, cette fracture tectonique qui parcourt l'Afrique orientale, un lieu a priori improbable pour constituer le berceau de l'humanité. Une tempête sous un crâne qui pourrait déboucher sur une crise d'identité. Certains arguments suggèrent que le fossile du Tchad n'est pas un précurseur de l'homme mais des grands singes, voire une "paléo-gorillette". Si surprenant que cela paraisse, le dilemme est sexuel : pour Michel Brunet, Toumaï est un individu mâle. Dès lors, ses petites canines, aux racines peu développées, et sa face aplatie le rattachent aux hominidés. Une analyse que contestent Brigitte Senut et Martin Pickford. "Ma connaissance des primates du miocène - la période qui s'étend entre vingt-trois et cinq millions d'années avant l'époque actuelle - me fait penser qu'il s'agirait plutôt d'une femelle de grand singe, dit Brigitte Senut. L'incisive supérieure a une allure typique de gorille. La petite canine et la face plate peuvent refléter le dimorphisme sexuel observé chez les grands singes. … »

 (1)  Sa description est publiée pour la première fois dans la revue Nature, n° 418, 11 juillet 2002.

Extrait du message publié le 28 juillet 2002 sur ORCULTURE@yahoogroupes.fr. Auteur : Olga BLUTEAU